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L’essentiel des émissions de gaz à effet de serre provient de la combustion de carburants fossiles, comme le pétrole, le charbon ou le gaz. Cette combustion est effectuée à des fins de production d’énergie, c’est-à-dire grossièrement de capacité à faire fonctionner un système pour qu’il remplisse une fonction qui lui est attribuée. Par exemple, on peut brûler du charbon pour produire de l’électricité et la fournir à une population. On peut brûler du pétrole raffiné en essence afin de faire avancer une voiture. On peut brûler du gaz afin de chauffer de l’eau, pour ensuite la faire circuler dans un radiateur, prendre une douche ou cuire des pâtes.

L’énergie est caractérisée par la circulation. Par exemple, la fission d’atomes dans un réacteur nucléaire dégage de la chaleur, qui est transmise à de l’eau parcourant un circuit alimentant une turbine. Cette turbine, en tournant, produit de l’électricité qui parcourt un câble et un ensemble de transformateurs qui l’amène jusqu’à la prise où vous avez branché un ventilateur pour rafraîchir votre salon. Pour se représenter l’énergie, et les émissions de gaz à effet de serre qu’elle implique, on peut se poser deux questions : comment est-elle produite, et à quoi sert-elle ?

La consommation d’énergie

La question « A quoi sert l’énergie » porte sur la consommation de celle-ci. D’après l’Agence Internationale de l’énergie, trois secteurs représentent 79% de l’énergie consommée en 2017 dans le monde : les bâtiments résidentiels (21%), l’industrie (29%), et les transports (29%).

Lorsque l’on ajoute à la consommation résidentielle celle réalisée par les bâtiments dédiés au travail, la consommation d’énergie par les bâtiments construits représente entre 30 et 40% de la consommation d’énergie mondiale. Lorsqu’enfin on y ajoute l’énergie consommée par la construction et la démolition des bâtiments, cette proportion monte à 50%. 71% de l’énergie consommée par les habitations sert au chauffage (Santamouris, 2016).

En conséquence, la capacité des bâtiments à conserver leur chaleur, via une isolation thermique efficace, est un facteur influençant fortement la consommation d’énergie. Le changement climatique aura également son impact sur celle-ci. Par exemple, les besoins en chauffage ont diminué au Canada et en Russie du fait de l’augmentation des températures moyennes. A l’inverse, la demande en climatisation tend à augmenter au niveau mondial, en particulier dans les régions les plus chaudes. Ce transfert de la demande en chauffage vers la demande en climatisation implique une transformation du type d’énergie consommée : on refroidit un bâtiment avec de l’électricité, alors que le chauffage implique souvent l’usage de fossiles (Clarke et al., 2018).

La qualité de l’isolation des bâtiments est donc un facteur important de la limitation de la consommation d’énergie. En Europe et en France, comme dans de nombreux endroits du monde, les vagues de chaleur vont se multiplier. L’isolation devra donc répondre au double objectif de conserver la chaleur pour limiter les besoins en combustible, et de conserver le frais en période de canicule. Pour limiter l’augmentation de la consommation d’énergie due au changement climatique, améliorer l’isolation thermique des bâtiments est plus efficace que de développer des systèmes de chauffage ou de climatisation (Pérez-Andreu et al., 2018). En ville, particulièrement, il existe un phénomène d’îlot de chaleur : il y fait généralement plus chaud qu’à la campagne, du fait de la présence d’activités humaines et du recouvrement de la surface par des matériaux qui accumulent la chaleur. Pour répondre à ce phénomène, certaines techniques comme la végétalisation des murs et des toits, ou le refroidissement par le biais de tubes passant sous la terre peuvent être développés  (Ascione, 2017). Dans tous les cas, maintenir le niveau de confort actuel constant sur l’ensemble des pays du monde impliquerait une augmentation de la consommation d’énergie (Clarke et al., 2018).

L’industrie manufacturière a besoin de beaucoup d’énergie pour appliquer ses processus de production, et comprendre la consommation d’énergie de l’industrie implique de mesurer celle-ci à chaque étape de la chaine de production : fournitures de matières première, fabrication des produits sur place, transport, vente de gros et vente de détail. Ces différentes étapes, dans notre économie mondialisée, sont souvent situées dans des pays différents. Une étude portant sur la consommation des chaînes de production de l’industrie manufacturière turque a montré que la consommation d’énergie était surtout située à l’étape de fabrication sur place et en amont de celle-ci. Elle a également montré que la répartition de la consommation d’énergie entre les différentes étapes de la chaîne de production variaient beaucoup d’un secteur à l’autre. Par conséquent, une réduction efficace de la consommation d’énergie par l’industrie manufacturière passe nécessairement par une analyse secteur par secteur de cette consommation et par des mesures adaptées (Kucukvar et al., 2016).

Un quart des émissions de gaz à effet de serre est dû aux transports. Le 20ème siècle a connu une forte croissance du besoin de mobilité. Le transport par la route est le principal responsable des émissions de gaz à effet de serre dues au transport. Une piste explorée est l’électrification du transport, via par exemple la voiture électrique. Dans l’hypothèse d’une conversion à 100% à l’électricité de tous les transports en 2050 (aériens, maritimes, routiers…), la consommation d’électricité par les transports augmenterait fortement, alors la consommation d’énergies fossiles diminuerait. Ce résultat n’est toutefois valable que lorsque l’on ne prend pas en compte les effets indirects de cette transformation. Si l’on intègre dans l’analyse l’augmentation des émissions de GES indirectes, dues à la génération d’électricité, alors le passage à l’électrique implique une augmentation des émissions. En effet, la plupart de la production d’électricité, au niveau mondial, se fait à l’énergie fossile. Ainsi, l’essentiel est d’abord est avant tout de décarbonner la production d’énergie (Zhang & Fujimori, 2020).

Les sources d’énergie

La quantité d’énergie consommée au niveau mondial a augmenté de 37% en trente ans. 81% de l’énergie consommée dans le monde en 2017 provient de sources fossiles (gaz, charbon, pétrole). Ces sources fossiles sont responsables de 98% des émissions de gaz à effet de serre dues à la production d’énergie. Le reste de la production se partage entre biocarburants et recyclage (9,5%), le nucléaire (5%), et les renouvelables (vent, eau, solaire – 4,3%). La France ne suit pas ces tendances mondiales, car 43% de son énergie est produite par le nucléaire, contre seulement 3,6% par le charbon. Elle est en revanche proche de la moyenne mondiale pour les renouvelables (3,8%) (source). Il est évident que « décarbonner » la production d’énergie, c’est-à-dire produire de l’énergie par des moyens qui émettent moins, voire n’émettent pas, de gaz à effet de serre est essentiel pour limiter les effets du changement climatique.

Dans les options disponibles, les biocarburants émettent moins de gaz à effet de serre que les carburant d’origine fossile. Ils peuvent être obtenus par le recyclage de déchets (organiques, bois, plastiques, textiles) étant à l’heure actuelle soit incinérés soit portés en décharge. En Europe, transformer ces déchets en biocarburant permettrait de diminuer les émissions de CO2 à moyen terme. En outre, le recyclage des déchets permettrait de désencombrer les espaces de décharge qui sont des émetteurs de gaz à effet de serre (Aracil et al., 2017). Il est possible également de produire du biocarburant sur la base de cultures agricoles (colza, tournesol…), mais cette méthode pose la question de la pression sur les terres cultivables disponibles, et pouvant être utilisées à d’autres fins, notamment alimentaires. Il est cependant important de noter que ce problème ne se résume pas à une opposition entre nourriture et carburant, mais s’inscrit dans le cadre plus large et plus complexe de l’usage des terres arables (Tomei & Helliwell, 2016).

Le nucléaire est une énergie décarbonnée à la production, et émet très peu de gaz à effet de serre. Toutefois, elle nécessite un combustible qui la plupart du temps n’est pas disponible sur place et dont le transport a un coût carbone non négligeable. A court terme, le développement de la fission nucléaire au niveau mondial permettrait de maintenir une production d’énergie au niveau actuel tout en se passant du charbon. Il est cependant délicat d’assurer la sécurité des installations si le nombre de centrales se multiplie. Par ailleurs, la gestion des déchets reste à ce jour une question non résolue, aucune solution autre que le stockage n’étant disponible (Knapp & Pevec, 2018).

L’énergie hydroélectrique, éolienne, et solaire émettent très peu de gaz à effet de serres, ne nécessitent pas de combustible à la production, et sont disponibles partout sur la planète. Elles sont dépendantes de conditions climatiques qui sont amenées à évoluer avec le changement climatique. Au Brésil, les projections impliquent une augmentation de la radiation solaire d’ici 2080, ainsi qu’une augmentation de la vitesse des vents dans une majorité de régions (de Jong et al., 2019). En Europe, la vitesse des vents devrait augmenter dans les zones autour la mer Baltique, mais diminuer un peu partout ailleurs (Carvalho et al., 2017). En revanche, l’énergie hydrolienne issue du mouvement de la mer ne devrait pas connaitre de variation significative (Sierra et al., 2017).

Le développement des énergies renouvelables permettrait de décarbonner la production pour obtenir une diminution des émissions de gaz à effet de serre (Jones & Warner, 2016). On peut chercher à augmenter leur part dans la production d’énergie (Jones & Warner, 2016), et faire des recherches pour découvrir nouvelles technologies (Bel & Joseph, 2018). La part des renouvelables dans la production d’énergie est actuellement faible, notamment car leur fonctionnement implique une décentralisation de la production d’énergie. Développer de nouveaux modèles de production d’énergie à l’échelle internationale va nécessiter des transferts de fond des pays riches vers les pays pauvres (Mutanga et al., 2018).

La politique énergétique

Choisir quelles sources d’énergie sont utilisées, définir le prix de l’énergie, assurer l’accès à l’énergie et maîtriser les émissions de gaz à effet de serre sont donc des choix ayant d’importantes conséquences à tous les niveaux de la société. Limiter les conséquences du changement climatique implique de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de notre production et consommation d’énergie. Mais agir sur ce paramètre ne se fait pas en appuyant sur un bouton. Plusieurs options sont à disposition, chacune comporte ses avantages et ses inconvénients et a des conséquences en cascade sur toute l’organisation sociale. Par exemple, décarbonner l’énergie peut la rendre plus chère, donc moins accessible aux personnes ayant un faible revenu, et donc creuser les inégalités sociales (Healy & Barry, 2017).

Dans ce problème aux multiples facettes et où rien n’est simple, comment prendre les bonnes décisions ? En étudiant les méthodes ayant été appliquées dans la politique énergétique de dix villes, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, ayant été reconnues à la pointe de la transformation énergétique, Pitt & Congreve (2017) ont constaté qu’elles avaient en commun d’avoir impliqué citoyens, associations et entreprises dans un travail de conception collaborative. Dans cette même logique, Healy and Barry (2017) estiment que la démocratie est un moyen de concevoir des politiques énergétiques qui limitent les injustices dans l’accès à l’énergie.

Une reconceptualisation de la « sécurité énergétique » est également nécessaire pour Nyman (2018). Cette notion implique que les états soient capables d’assurer sur leur territoire un approvisionnement en énergie qui permette de répondre aux besoins de la population. Or, celle-ci est souvent entendue comme le fait de garantir l’accès aux énergies fossiles. Par exemple, aux Etats-Unis, l’administration Obama a voulu augmenter sa sécurité énergétique en développant l’exploitation de pétrole de schiste. Nyman pointe une contradiction : comment parler de sécurité énergétique alors qu’un développement des énergies fossiles ne peut qu’augmenter les émissions de gaz à effet de serre, qui sont eux-mêmes une menace sur la sécurité à long terme. Pour résoudre cette contradiction, l’auteur propose de conceptualiser la sécurité à un niveau global et non plus national. Une formule qui rapproche la notion de « sécurité » de la notion de « paix ».

Transformer un modèle énergétique implique des investissements lourds. Pour les réaliser, Healy and Barry (2017) proposent au contraire de « désinvestir » les énergies fossiles, c’est-à-dire de retirer du capital de ces secteurs pour l’investir dans des secteurs moins émetteurs de gaz à effet de serre. Pour diriger ce capital libéré vers des investissements permettant la diminution des émissions de gaz à effet de serre, Hall et al. (2017) recommandent de sortir du paradigme d’efficience des marchés financiers, qui suppose que ceux-ci allouent la ressource là où elle est nécessaire pour peu que le processus ne soit pas perturbé par des ingérences étatiques perçues comme nécessairement préjudiciables.

Enfin, la culture, les représentations, les identités jouent un grand rôle dans les préférences pour tel ou tel modèle énergétique au niveau individuel. Devnie-Wright & Batel (2017) ont montré qu’en Grande-Bretagne, les gens qui possédaient un sentiment d’appartenance national plus fort que le local ou le global étaient plus susceptibles de soutenir une solution technologique implantée au niveau national pour répondre à la crise écologique. A l’inverse, les personnes ayant un sentiment d’appartenance à la planète plus fort sont plus susceptibles de soutenir l’usage des renouvelables et de s’investir dans les questions d’énergie au niveau local. Enfin, celles et ceux qui ne ressentent aucune appartenance particulière, sont souvent dans une situation de précarité matérielle et sont les plus susceptibles de ne pas s’intéresser à ces questions.

Rédigé par Andy Battentier


Aller plus loin


Références

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