Une forêt se définit comme un regroupement d’arbres dans une zone terrestre étendue. En France, l’Institut Géographique National définit les forêts comme « un territoire occupant une superficie d’au moins 50 ares avec des arbres capables d’atteindre une hauteur supérieure à cinq mètres à maturité in situ, un couvert arboré de plus de 10 % et une largeur moyenne d’au moins 20 mètres ». Les forêts couvrent environ 30% de la surface des terres émergées, soit 4,1 milliards d’hectares (Hisano et al., 2018). Les arbres, et plus généralement les plantes, fournissent via la photosynthèse l’oxygène dont les humains et de nombreux êtres vivants ont besoin pour respirer. En absorbant le CO2, la photosynthèse diminue également sa concentration dans l’atmosphère. Les forêts sont donc des alliés importants dans la lutte contre le changement climatique.

L’absorption du CO2 fait partie des « services écosystémiques » que les forêts fournissent aux humains. Entre autres, elles purifient l’eau, limitent l’érosion du sol et le risque d’inondations, fournissent des denrées alimentaires ainsi que du bois, abritent des insectes pollinisateurs, et sont des espaces d’activités récréatives…(Brockerhoff et al., 2017). Certaines communautés humaines vivent d’ailleurs au cœur de la forêt. Bien entendu, les humains ne sont pas les seuls bénéficiaires des productions des forêts. Les forêts tropicales, c’est à dire situées entre les tropiques du Cancer et du Capricorne en Asie, en Océanie, en Afrique, en Amérique du Sud et dans les Caraïbes, abritent les deux tiers de la biodiversité terrestre (Giam, 2017)

Absorption du CO2 et biodiversité

 

Les forêts sont, avec les océans, l’un des principaux écosystèmes transformant le CO2 en oxygène (Charney et al., 2016). En effet, les plantes utilisent l’énergie solaire pour changer l’eau et le CO2 en matière organique et en oxygène. Ce faisant, les forêts absorbent donc une partie du CO2 rejeté dans l’atmosphère par les activités humaines. Toutefois, elles sont, depuis le 20ème siècle, l’objet d’une intense déforestation : au niveau mondial, 5% de la surface totale des forêts a été déboisée entre 2000 et 2010 (Alroy, 2017). Une fois que la forêt absorbant le CO2 a disparu d’une surface, il s’y développe une activité qui en émet. Par cette substitution, la déforestation contribue donc à augmenter la concentration de gaz à effet de serre dans l’air.

 

 
 
 
 
Ciel bleu et quelques nuages

Le déboisement temporaire, lors de la récolte du bois ou d’un feu déclenché par la foudre constitue une perturbation réversible de la forêt. A l’inverse, une perturbation peut être définitive, comme dans le cas d’une déforestation. Dans ce cas, la forêt disparait du terrain qu’elle occupait auparavant. Les déboisements temporaires font partie du cycle de vie des forêts, et sont nécessaires, dans une certaine mesure, à leur bon fonctionnement. Ils deviennent problématiques lorsque leur ampleur et leur fréquence empêche les espèces présentes dans la forêt de se développer correctement.

A l’inverse du déboisement qui implique une perturbation réversible de la forêt, la déforestation correspond un changement d’usage des terres. Par exemple, la forêt peut être remplacée par des zones agricoles. L’ampleur de la déforestation est telle que ce phénomène a potentiellement déjà provoqué une extinction de masse, et en provoquera une de toutes façons s’il se poursuit à son rythme actuel (Giam, 2017). Par exemple, l’habitat de certaines espèces a été complètement détruit, ce qui implique leur disparition quasi-certaine du fait de l’impossibilité pour elles de migrer ailleurs (Alroy, 2017).

 

 

Une forte perturbation de la forêt implique une adaptation des espèces présentes à leur nouvel environnement, qui met plusieurs années, voire plusieurs décennies à se mettre en place (Seidl et al., 2017). Ces perturbations ont un impact sur les services écosystémiques fournis aux humains. (Fearnside, 2018). L’abandon progressif des énergies fossiles implique et continuera à impliquer une augmentation de la demande en bois, qui constitue une alternative aux énergies fossiles. Cette augmentation entre en contradiction avec la nécessité de diminuer la déforestation afin de préserver les services écosystémiques autres que celui de production de bois – absorption du CO2, abri de biodiversité… (Eyvindson et al., 2018).

 


La substitution de la forêt primaire tropicale, c’est-à-dire la forêt tropicale n’ayant pas subi de perturbation d’origine humaine, par des plantations entraîne une diminution de la biodiversité liée à différents facteurs (Brockerhoff et al., 2017). Les espèces de plantes et d’animaux présents dans une forêt primaire sont plus nombreuses et variées, car elles ont disposé d’un temps important pour s’installer et cohabiter. Leur habitat met longtemps à se former, par des mécanismes comme l’accumulation de bois mort au sol, par exemple, qui facilite l’installation de nouvelles espèces (Filyushkina et al., 2018). La biodiversité des forêts améliore leur capacité à fournir des services écosystémiques aux activités humaines (Hisano et al., 2018). La forêt primaire a presque disparue dans de nombreux endroits de la planète, comme en Haïti ou en Irlande  (Brockerhoff et al., 2017; Hedges et al., 2018)., où elle ne couvre plus que 1% de la surface qu’elle couvrait initialement.  Bien que largement dégradée, il reste d’importantes zones de forêts primaires qu’il est essentiel de conserver (Watson et al., 2018).

L’impact du changement climatique sur les forêts

Dans la plupart des cas, les changements climatiques entraînent une augmentation de la quantité et la fréquence des perturbations infligées aux forêts. L’augmentation de la température et de la fréquence des sécheresses facilite la survenue de feux. Des conditions plus chaudes et plus humides augmentent les dérangements dus au vent et aux pathogènes s’attaquant aux arbres. Les forêts réagissent différemment en fonction des espèces d’arbres qu’elles contiennent : les forêts de conifères sont plus sensibles aux dérangements impliqués par le changement climatique, par rapport aux forêts de feuillus et mixtes (Seidl et al., 2017). Les feux de forêt en particulier vont beaucoup augmenter, notamment en Amérique du Nord. Plus de 50% de cette augmentation est expliquée par le réchauffement climatique dû aux activités humaines. Il y a aura des feux plus souvent, et de plus grande ampleur et intensité, ce qui va réclamer un changement dans la gestion des feux de forêt, et l’organisation de la vie des populations installées dans la forêt ou à proximité des forêts (Schoennagel et al., 2017).

 

Les changements climatiques ont des effets contrastés sur la croissance des forêts. Par exemple, en Amérique du Nord, il accélère la croissance des arbres sur les côtes et la ralentit à l’intérieur des terres. Par ailleurs, il favorise cette croissance dans les espaces les plus au nord du continent. En Europe, on constatera un changement des aires de répartition des espèces. Le sapin blanc, le hêtre commun, le chêne pédonculé et le frêne vont s’étendre dans le contexte d’une augmentation de la température moyenne, alors que les aires occupées par le bouleau commun, le mélèze commun, l’épicéa commun, et le pin sylvestre tendront à diminuer. Ces changements risquent d’être brutaux et d’avoir des conséquences négatives sur la biodiversité des forêts (Dyderski et al., 2018).

 
 
 
 
Deux champs délimités par un muret de pierre dans le Yorkshire

La gestion parcimonieuse des forêts

La forêt est donc un écosystème complexe, que l’être humain doit éviter de surexploiter pour qu’elle puisse continuer à répondre à ses besoins. La surexploitation d’un service écosystémique, comme la production de bois, diminue la capacité de la forêt à produire d’autres services. Pour garantir cet équilibre, il est nécessaire de faire preuve de parcimonie : définir des zones sans coupe d’arbres, planifier les coupes en fonction du développement historique de la forêt, et ne pas réaliser de coupes à ras permettent d’optimiser la production de bois en limitant les impacts sur la biodiversité (Eyvindson et al., 2018). Allonger les cycles de récoltes sur les exploitations privées et les réguler fortement sur les forêts publiques a un effet très positif sur le bilan carbone. Replanter des arbres là où ils ont été coupés, et en faire pousser là où il n’y en avait pas avant a aussi un effet positif, mais plus limité (Law et al., 2018).

 

 

Toutefois, une gestion parcimonieuse n’est efficace que si la coordination entre les acteurs qui agissent sur la forêt – propriétaires et exploitants – est totale ou presque : quelques coupes braconnières peuvent remettre en cause dans des proportion importantes les effets d’une gestion vertueuse (Eyvindson et al., 2018). Cette coordination s’assure plus efficacement dans le cadre de coopérations locales (Charney et al., 2016). Par exemple, la mise en place d’un système de gestion communautaire au Népal a permis d’augmenter la capacité d’absorption du CO2 par la forêt, ainsi que sa capacité à fournir de la nourriture à la population locale. Ce mode de gestion a tissé des liens dans la population, qui ont débouché sur l’émergence d’un système local de sécurité sociale (Pandey et al., 2016). La gestion locale peut aussi bénéficier du savoir traditionnel des communautés humaines vivant dans la forêt, à condition de réussir à établir des relations de collaboration (Brugnach et al., 2017; Joa et al., 2018).


Rédigé par Andy Battentier – Articles ayant bénéficié des remarques de Marie-Pierre Turpault, directrice de recherche à l’Institut National de la Recherche Agronomique

 
 
 
 
Bords d'une rivières abîmés par la déforestation

Références


Aller plus loin


Références

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Brockerhoff, E. G., Barbaro, L., Castagneyrol, B., Forrester, D. I., Gardiner, B., González-Olabarria, J. R., Lyver, P. O., Meurisse, N., Oxbrough, A., Taki, H., Thompson, I. D., van der Plas, F., & Jactel, H. (2017). Forest biodiversity, ecosystem functioning and the provision of ecosystem services. Biodiversity and Conservation, 26(13), 3005‑3035. https://doi.org/10.1007/s10531-017-1453-2

Brugnach, M., Craps, M., & Dewulf, A. (2017). Including indigenous peoples in climate change mitigation : Addressing issues of scale, knowledge and power. Climatic Change, 140(1), 19‑32. https://doi.org/10.1007/s10584-014-1280-3

Charney, N. D., Babst, F., Poulter, B., Record, S., Trouet, V. M., Frank, D., Enquist, B. J., & Evans, M. E. K. (2016). Observed forest sensitivity to climate implies large changes in 21st century North American forest growth. Ecology Letters, 19(9), 1119‑1128. https://doi.org/10.1111/ele.12650

Dyderski, M. K., Paź, S., Frelich, L. E., & Jagodziński, A. M. (2018). How much does climate change threaten European forest tree species distributions? Global Change Biology, 24(3), 1150‑1163. https://doi.org/10.1111/gcb.13925

Eyvindson, K., Repo, A., & Mönkkönen, M. (2018). Mitigating forest biodiversity and ecosystem service losses in the era of bio-based economy. Forest Policy and Economics, 92, 119‑127. https://doi.org/10.1016/j.forpol.2018.04.009

Fearnside, P. M. (2018). Brazil’s Amazonian forest carbon : The key to Southern Amazonia’s significance for global climate. Regional Environmental Change, 18(1), 47‑61. https://doi.org/10.1007/s10113-016-1007-2

Filyushkina, A., Strange, N., Löf, M., Ezebilo, E. E., & Boman, M. (2018). Applying the Delphi method to assess impacts of forest management on biodiversity and habitat preservation. Forest Ecology and Management, 409, 179‑189. https://doi.org/10.1016/j.foreco.2017.10.022

Giam, X. (2017). Global biodiversity loss from tropical deforestation. Proceedings of the National Academy of Sciences, 114(23), 5775‑5777. https://doi.org/10.1073/pnas.1706264114

Hedges, S. B., Cohen, W. B., Timyan, J., & Yang, Z. (2018). Haiti’s biodiversity threatened by nearly complete loss of primary forest. Proceedings of the National Academy of Sciences, 115(46), 11850‑11855. https://doi.org/10.1073/pnas.1809753115

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Law, B. E., Hudiburg, T. W., Berner, L. T., Kent, J. J., Buotte, P. C., & Harmon, M. E. (2018). Land use strategies to mitigate climate change in carbon dense temperate forests. Proceedings of the National Academy of Sciences, 115(14), 3663‑3668. https://doi.org/10.1073/pnas.1720064115

Pandey, S. S., Cockfield, G., & Maraseni, T. N. (2016). Assessing the roles of community forestry in climate change mitigation and adaptation : A case study from Nepal. Forest Ecology and Management, 360, 400‑407. https://doi.org/10.1016/j.foreco.2015.09.040

Schoennagel, T., Balch, J. K., Brenkert-Smith, H., Dennison, P. E., Harvey, B. J., Krawchuk, M. A., Mietkiewicz, N., Morgan, P., Moritz, M. A., Rasker, R., Turner, M. G., & Whitlock, C. (2017). Adapt to more wildfire in western North American forests as climate changes. Proceedings of the National Academy of Sciences, 114(18), 4582‑4590. https://doi.org/10.1073/pnas.1617464114

Seidl, R., Thom, D., Kautz, M., Martin-Benito, D., Peltoniemi, M., Vacchiano, G., Wild, J., Ascoli, D., Petr, M., Honkaniemi, J., Lexer, M. J., Trotsiuk, V., Mairota, P., Svoboda, M., Fabrika, M., Nagel, T. A., & Reyer, C. P. O. (2017). Forest disturbances under climate change. Nature Climate Change, 7(6), 395‑402. https://doi.org/10.1038/nclimate3303

Watson, J. E. M., Evans, T., Venter, O., Williams, B., Tulloch, A., Stewart, C., Thompson, I., Ray, J. C., Murray, K., Salazar, A., McAlpine, C., Potapov, P., Walston, J., Robinson, J. G., Painter, M., Wilkie, D., Filardi, C., Laurance, W. F., Houghton, R. A., … Lindenmayer, D. (2018). The exceptional value of intact forest ecosystems. Nature Ecology & Evolution, 2(4), 599‑610. https://doi.org/10.1038/s41559-018-0490-x