L’océan couvre 70% de la surface de la terre, et plus de la moitié de la population mondiale vit dans des zones côtières. Son immensité et sa profondeur en font un espace difficile à explorer pour l’être humain. L’immense majorité des océans est considérée comme n’appartenant à aucun état : on parle d’eaux internationales. Un Etat peut revendiquer sa souveraineté sur les eaux se situant à moins de 200 miles nautiques de ses côtes : on parle d’eaux territoriales.
Malgré cette immensité, les activités humaines ont un impact bien visible sur les océans : rejets de polluants et de déchets, augmentation de la température et de l’acidité des eaux, disparition d’espèces à cause de la surpêche en sont quelques exemples. Une coordination des différentes nations au niveau mondial est nécessaire pour appliquer des stratégies d’adaptation et de mitigation qui permettent de contrer les effets des activités humaines sur les océans.
Absorption de CO2 et de chaleur
Les océans sont, avec les forêts, le principal écosystème permettant d’absorber du CO2. Cette absorption est due à la chimie de l’eau de mer, qui est assistée par la photosynthèse réalisée par de nombreux organismes vivant dans la zone éclairée à la surface de la mer. Le CO2 dissout dans l’eau est donc consommé par des organismes, comme le phytoplancton, qui rejettent de l’oxygène. Cet oxygène est respiré par d’autres organismes, comme les poissons, à différentes profondeurs de l’océan. Ces organismes rejettent du CO2, mais, à l’instar des forêts tropicales, le bilan de la respiration des organismes aquatiques fait de l’océan un puits de carbone (Stock et al., 2019).
Les océans ont absorbé 30% des émissions de CO2 dû aux activités humaines depuis le 19ème siècle. Néanmoins, ce processus a une contrepartie. En effet, la réaction chimique permettant l’absorption du CO2 libère également des ions H+, ce qui augmente l’acidité de l’eau. Les effets de cette acidification sont ambivalents et encore l’objet de nombreuses études, mais il est certain qu’elle impacte les écosystèmes marins, notamment en rendant plus difficile la production des coquilles ou squelettes nécessaires à certains organismes (Heldt et al., 2018).
Outre le CO2 excédentaire, les océans absorbent une grande partie de la chaleur produite par l’effet de serre lié aux activités humaines. Les océans ont absorbé 93% de cette chaleur supplémentaire, ce qui signifie que sans leur action, la température moyenne de surface serait supérieure de 36°C à ce qu’elle est aujourd’hui (Meredith et al., 2018).
L’absorption de cette chaleur a des conséquences sur la température moyenne des océans. Celle-ci augmente en moyenne de 0,11°C par décennie depuis 40 ans (Stock et al., 2019). Or, un liquide plus chaud gagne en volume : on parle d’expansion thermique. L’expansion résultant du réchauffement des océans provoque une élévation du niveau de la mer, de même que la fonte des glaces présentes sur les terres émergées (Cheng et al., 2019). Le réchauffement des océans au niveau des pôles accélère également la fonte des glaces étant situées sur l’eau. Au Groenland ou en Antarctique, par exemple, certains fronts de glaciers s’avancent sur la mer. Il est probable que l’augmentation de la température des océans accélère la vitesse de fonte de ces fronts de glaciers (Gross, 2019).
Depuis la fin du 19e siècle, le niveau de la mer s’est élevé d’environ 20 centimètres (Voosen, 2019). Si les émissions de gaz à effet de serre continuent à croître à leur niveau actuel, ce niveau pourrait s’élever de plus de 1 mètre. Au minimum, même en cas de forte diminution des émissions de gaz à effet de serre, le niveau de la mer augmentera de 30 à 60 cm d’ici 2100 et cette tendance se poursuivra pendant des siècles voire des millénaires (Clark et al, 2016). Cette augmentation menace beaucoup de villes côtières et d’iles basses (Voosen, 2019).
Pollutions
Outre le CO2, l’océan absorbe de nombreuses substances rejetées par les activités humaines dans l’atmosphère. Les concentrations de mercure dans l’atmosphère sont aujourd’hui au moins le triple de ce qu’elles étaient au milieu du 19ème siècle. Les métaux lourds rejetés par ces pollutions sont entrés dans la circulation thermohaline, c’est-à-dire les boucles de circulation de l’eau des océans entre la surface et les profondeurs. Cette circulation s’étend sur toute la planète : on peut ainsi trouver dans l’océan Indien des polluants émis dans le nord de l’Atlantique (Stock et al., 2019).
Les composés chimiques servant dans l’agriculture se retrouvent également dans l’océan. On épand aujourd’hui quatre fois plus d’engrais azotés et trois fois plus d’engrais phosphatés qu’il y a 40 ans (Stock et al., 2019). Ces engrais sont transportés jusqu’aux côtes et modifient les écosystèmes côtiers. Un des effets les plus manifestes est l’extension des zones dites « mortes » du fait d’une quasi-absence d’oxygène dissous, en particulier dans les mers semi-fermées, comme en mer Baltique (Carstensen et al, 2014). Un autre effet est la prolifération de certaines espèces d’algues dégageant des gaz toxiques pour les humains. Dans l’Atlantique Nord, ces espèces croissent plus vite et leur période d’efflorescence, où elles émettent leur gaz, s’est entendu jusqu’à 8 semaines en 35 ans (Gobler et al., 2017).
Une autre pollution des océans bien connue est l’accumulation de déchets en plastique dans les océans. Bien que ceux-ci s’amoncellent depuis les années 1960, leurs mécanismes de décomposition et leur impact sur la vie marine commencent tout juste à être étudiés. Entre 4,8 et 12,7 millions de tonnes de plastique sont entrées dans les océans en 2010 (Jambeck et al., 2015).
Courants marins
En hiver, dans la ville de Québec, la température tombe régulièrement à -35°C. A Paris, à la même période, l’arrivée de la neige fait les gros titres et une température de -15°C susciterait la surprise générale. Pourtant, Paris est légèrement plus au Nord que Québec. Les différences de leurs météos viennent de la circulation atmosphérique et des échanges de chaleur entre les grandes masses d’air et l’océan. La circulation océanique est un élément central dans ces échanges et dans l’équilibre du climat mondial, et elle peut être altérée par le changement climatique. La manière dont les courants océaniques réagissent au changement climatique est un sujet où beaucoup reste à comprendre (Miller, 2017). On sait néanmoins que l’augmentation des vents due au changement climatique a tendanciellement accéléré les courants océaniques (Voosen, 2020). La fonte des glaces, en rejetant dans l’océan de grandes quantités d’eau douce, perturbe les courants au niveau des pôles. Le courant océanique de l’Atlantique Nord montre par exemple des signes de ralentissement, conséquence probable de l’accélération récente de la fonte des glaces (Gross, 2019).
La circulation des eaux entre les profondeurs et la surface est essentielle dans l’équilibre des écosystèmes océaniques. En descendant, l’eau fait circuler l’oxygène nécessaire aux organismes marins vivant en profondeur. En remontant, celle-ci amène des nutriments permettant à la vie de prospérer à la surface. Du fait du dérèglement climatique, les eaux de surface, plus exposées, se réchauffent plus vite et perdent en densité. Elles tendent donc à moins se mélanger avec les eaux de profondeur. En conséquence, moins de nutriments sont disponibles en surface, où la chaleur favorise la prolifération de certaines espèces, et l’oxygène est globalement moins disponible. On parle alors de désoxygénation. Les zones où l’oxygène est peu présent se multiplient et s’étendent (Voosen, 2019). La désoxygénation a des conséquences variées sur la faune : réduction de croissance, de taille, augmentation de la mortalité, réduction des espaces vivables (Stock et al., 2019). L’expansion des zones « mortes » est une des plus grandes inquiétudes concernant les océans à long terme (Watson, 2016).
Cadre légal d’action
L’océan est un espace encore largement méconnu, et relativement peu occupé par les êtres humains. De nombreuses activités vont s’y développer dans les prochaines décennies. Le cadre légal dans lequel elles le feront est à la fois national et supranational, et se construit au fur et à mesure des besoins. Pour être efficace ce cadre a besoin à la fois de tenir compte des exigences environnementales et des besoins des populations (Bennett, 2018). Dans tous les cas, le ralentissement ou l’arrêt de la dégradation des océans dépend d’abord et avant tout du respect des réductions de GES inscrites dans l’accord de Paris (Chang et al., 2020).
Aujourd’hui, les risques impliqués par les effets du changement climatique sur les océans font l’objet d’approches fragmentées. Le cadre de l’ONU est le meilleur pour légiférer sur ces risques car il insiste sur l’action collective nécessaire pour y faire face (Diamond et al., 2018). Outre les actions générales de régulation des pollutions et la diminution des émissions de gaz à effet de serre, des actions spécifiques aux océans peuvent permettre de limiter les effets du changement climatique et de s’y adapter. En particulier, la création de réserves marines, couplée à une régulation de la pêche, peuvent aider à faire face aux effets cités dans cet article (Roberts et al., 2017). Les nations côtières avaient promis de préserver 10% de leurs eaux territoriales d’ici 2020. En 2015, seulement 1,6% de ces espaces bénéficient d’une protection complète, et 3,5% ont un niveau de protection moyen ou faible. L’efficacité d’une zone de protection marine sur la biodiversité et les effets du changement climatique dépend de l’application effective des règlements qui les établissent. Des moyens sont donc nécessaires pour adapter la création de ces zones aux particularités des populations locales, et faire respecter les règles établies (Bennett, 2018). L’implication des populations locales dans la création de zones protégées est essentielle afin que celles-ci soient effectives et justes (Ban et al., Pearson)
Rédigé par Andy Battentier – Relu par Xavier Capet, directeur de recherches CNRS à l’Institut Pierre Simon Laplace (Paris-Saclay)