Les glaciers se forment par l’accumulation progressive de neige, qui se tasse progressivement et se transforme en glace. Cette masse de glace finit par déborder de sa zone d’accumulation et se déplace lentement hors de celle-ci, en fonction de la pente sur laquelle elle s’écoule. En montagne, cette glace finit par fondre lorsqu’elle atteint une altitude plus basse, où les températures sont plus élevées. Les glaciers plus près des pôles (Groenland, Antarctique…) se désagrègent dans l’océan.
Les glaciers recouvrent 10% de la surface terrestre émergée. Répartis sur toute la planète, ils sont une importante réserve d’eau douce au niveau mondial, et jouent un rôle crucial dans de nombreux écosystèmes locaux. L’augmentation de la température résultant du changement climatique a pour conséquence leur recul, qui se constate depuis le milieu du 19ème siècle et s’est accéléré de façon historique depuis le début du 21ème siècle. A cause de cette accélération, leur disparition à plus ou moins long terme est envisagée.
Le recul historique des glaciers dû au changement climatique
Le milieu du 19ème siècle a marqué la fin du « Petit Age Glaciaire », une période froide de 500 ans, localisée sur l’Atlantique nord, durant laquelle les glaciers de cette zone étaient en expansion. Ce n’est qu’au milieu du 20ème siècle que la mesure de la longueur, de la surface, et du volume des glaciers se généralise partout dans le monde, permettant de suivre chaque année l’évolution de ceux-ci (Michael Zemp et al., 2015).
Les résultats montrent que depuis cette période, les glaciers sont en recul presque partout dans le monde. Ce recul s’accélère nettement depuis une trentaine d’années : les reculs les plus importants ont été constatés dans la décennie 2000-2010, les seconds plus importants dans la décennie 1990-2000. Cette accélération est la conséquence du changement climatique dû aux activités humaines (Marzeion et al., 2014).
Le volume des glaciers diminue avec une augmentation de la chaleur. Cependant, leur surface, ainsi que la position de leur front – le point de « fin » du glacier en aval, ne réagissent pas immédiatement aux variations de température et de précipitation : leur masse est telle que ces variations mettent plusieurs décennies, voire plusieurs siècles, pour montrer leurs effets. Ainsi, les variations de surface observées aujourd’hui résulte des variations de température et de précipitation des décennies précédentes, et le recul qui résultera de l’évolution actuelle des températures se verra dans les décennies à venir. Même si la température cessait d’augmenter, les glaciers continueraient de reculer pendant encore plusieurs décennies.
Il existe quelques exceptions à cette tendance générale. Les glaciers au sud de la Nouvelle-Zélande ont connu une stabilité voire une expansion au début du 21ème siècle, tout comme les glaciers au nord-ouest de l’Himalaya. L’exception néo-zélandaise ne fait néanmoins que confirmer la règle, car l’avancée constatée est due à une anomalie climatique locale : des vents venus d’Antarctique ont provoqué une baisse des températures dans la région des glaciers (Mackintosh et al., 2017). Au nord-ouest de l’Himalaya, c’est probablement l’intensification de l’irrigation des terres au pied des montagnes qui est à l’origine de l’exception. L’eau ainsi accumulée s’évapore en plus grande quantité en été, ce qui a pour conséquence des chutes de neige en altitude venant à la fois nourrir le glacier et bloquer les rayons du soleil (de Kok et al., 2018).
La manière dont les glaciers vont évoluer au cours du 21ème siècle dépendra pour l’essentiel de l’évolution du climat, et donc de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, le glacier d’Aletsch, qui est le plus grand glacier des Alpes, conservera en 2100 les deux-tiers de sa surface actuelle si le réchauffement climatique moyen est de moins de 2°. Si ce réchauffement est entre 2 et 4 degrés, il conservera la moitié de sa surface actuelle. Si ce réchauffement est entre 4 et 8 degrés, il n’en conservera que le dixième (Jouvet & Huss, 2019).
Les conséquences de la fonte des glaciers
La conséquence la plus étudiée de la fonte des glaciers est l’augmentation du niveau de la mer résultant de la libération de leurs eaux. Sur la période 1993-2014, les glaciers ont contribué à environ un quart de l’élévation du niveau de la mer (M. Zemp et al., 2019). Par ailleurs, leur disparition rend le sol qu’ils recouvrent plus sensible à l’érosion, ce qui diminue la pureté des eaux de montagne (Cauvy & Dangles, 2019). Enfin, l’intensification de l’écoulement des eaux lubrifie la paroi rocheuse sur laquelle les glaciers reposent, ce qui accélère leur descente en aval (Gabbud et al., 2018).
Il a été récemment découvert que les glaciers contribuaient à l’absorption du CO2 (St. Pierre et al., 2019). Leur disparition a donc pour conséquence d’aller à l’encontre de la réduction des gaz à effet de serre. A l’inverse, leur fonte entraîne la libération des substances qu’ils ont accumulé durant leurs siècles d’existence. Ce phénomène est peu documenté et par conséquent peu de visibilité est disponible sur ses conséquences (Milner et al., 2017). Toutefois, des travaux récents ont constaté une augmentation des concentrations en mercure sur des sites où d’anciens glaciers étaient présents, un peu partout sur la planète (Liu et al., 2016).
La présence des glaciers influence fortement la faune et la flore où ils sont installés. Leur surface est couverte d’une population de microbes et de bactéries peu connues, qui disparaissent avec le glacier. Leurs environs sont peuplés d’insectes et d’espèces spécifiquement adaptées à cet environnement (Giersch et al., 2017). Ces espèces « spécialistes » sont mises en difficulté par le recul des glaciers, notamment parce qu’elles disposent de peu de possibilités de migration. En revanche, la fonte des glaciers bénéficie aux espèces situées en aval, car elle permet de créer des conditions favorables à une colonisation du milieu (Cauvy & Dangles, 2019).
Des populations humaines sont souvent présentes en aval des glaciers, qui fournissent une quantité importante d’eau douce. Les glaciers andins sont la principale source d’eau potable de nombreuses populations locales. Par exemple, le glacier Huaytapallana fournit de l’eau potable à plus de 500 000 habitants (Altamirano, 2020). Les glaciers himalayens irriguent de larges zones et fournissent de l’eau à une population d’1,4 milliard de personnes (Bolch et al., 2012). Sans ces glaciers, ces régions seraient arides et l’agriculture y serait fortement contrainte (Kraaijenbrink et al., 2017).
Enfin, l’eau qui s’écoule des glaciers est une source d’énergie électrique, par l’intermédiaire de barrages installés sur les rivières qui y trouvent leur source. Il est anticipé que la fonte des glaciers entraine dans un premier temps une augmentation de la capacité de production, en raison de l’augmentation du débit qui en découle. Cette capacité diminuera une fois la réserve d’eau contenue dans le glacier écoulée (Milner et al., 2017). L’augmentation du débit dans un premier temps a également pour conséquence d’augmenter le risque d’inondations en aval (Rafiq & Mishra, 2016).
Rédigé par Andy Battentier – Relu par Yves Arnaud, chargé de recherche à l’Institut des Géosciences de l’Environnement (Grenoble)