Pollinisateurs

 

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La pollinisation est le phénomène par lequel les plantes à fleurs se reproduisent. Les fleurs mâles produisent du pollen, qui est transporté par le vent ou des animaux pollinisateurs vers les fleurs femelles, ce qui permet par la suite la production de fruits et de graines. Les animaux transportant le pollen, qui peuvent être des insectes ou parfois des vertébrés, en profitent pour récolter le pollen en excès ou le nectar des plantes afin de se nourrir. Certains animaux pollinisateurs sont généralistes, c’est-à-dire qu’ils butinent plusieurs types de plantes. C’est le cas, par exemple, de l’abeille européenne (Apis Mellifera). D’autres espèces de pollinisateurs butinent spécifiquement un type de plante : le figuier, par exemple, n’est pollinisé que par une espèce spécifique de guêpe.

La relation entre les plantes et les animaux pollinisateurs est un mutualisme, c’est-à-dire qu’elle produit un bénéfice chez chacune des parties impliquées. La pollinisation bénéficie également à un tiers à cette relation : l’être humain, qui consomme les fruits de nombreuses plantes nécessitant une pollinisation animale.

 
 
 
 

La pollinisation et l’être humain

Plus de 85% des plantes cultivées sur la planète pour l’alimentation humaine ou un usage humain dépendent de la pollinisation animale (Potts et al., 2016). La plupart de ces animaux sont des insectes (abeilles, mouches, papillons, bourdons…) mais quelques vertébrés sont impliqués dans la pollinisation (oiseaux, chauves-souris…). Les abeilles sont le plus important groupe de pollinisateurs, visitant plus de 90% des 107 principales plantes cultivées principalement dans le monde. 20000 espèces d’abeilles ont été recensées dans le monde, 50 font l’objet d’élevage (ruches…), et 12 sont utilisées spécifiquement pour la pollinisation des récoltes. L’espèce d’abeille la plus répandue est Apis Mellifera, l’abeille européenne, qui féconde les récoltes et produit du miel (Potts et al., 2016). Outre les insectes domestiqués, les pollinisateurs sauvages participent à la fécondation des cultures humaines (Charles C. Nicholson & Ricketts, 2019).

Sans la pollinisation animale, 5 à 8% des récoltes mondiales seraient perdues, ce qui impliquerait un changement profond de régime alimentaire au niveau mondial et une expansion disproportionnée des terres agricoles (Potts et al., 2016). Cela correspond à une perte de 40% des récoltes de fruits et 16% des récoltes de légumes (Gill et al., 2016). La valeur économique du service écosystémique de la pollinisation animale est estimée à 100 milliards de dollars par an (Charles C. Nicholson & Ricketts, 2019).

Outre les apports alimentaires, la pollinisation est nécessaire pour la production de médicaments, de biocarburants, ou de matériaux de construction. Au niveau mondial, l’agriculture repose de plus en plus sur la pollinisation animale : 30% de l’expansion agricole des 50 dernières années sont des cultures de plantes ayant besoin de ce service pour produire des récoltes satisfaisantes, tant en quantité qu’en qualité (Potts et al., 2016).

Les menaces sur les pollinisateurs

Les insectes pollinisateurs sont en déclin dans de nombreuses régions du monde. En Europe, jusqu’à 50% des espèces d’abeilles sont menacées, ainsi qu’un certain nombre de bourdons (Potts et al., 2016). Dans certains endroits, le nombre de ruches d’abeilles a diminué drastiquement. Aux Etats-Unis, on décompte 60% de ruches en moins par rapport à 1970 (Nicholson & Ricketts, 2019).

Les activités humaines impliquent plusieurs types de stress sur les animaux pollinisateurs. Le plus important est la transformation de l’habitat de ces derniers. La conversion d’espaces de culture diversifiés en zones résidentielles ou en agriculture intensive, fait disparaître les ressources florales qui leur permettent de s’alimenter. De plus, cela fragmente, détruit et/ou dégrade leur habitat (Potts et al., 2016).

Les pesticides sont aussi une menace directe et indirecte. Directe, car les insectes pollinisateurs peuvent être empoisonnés par des pesticides dont ils ne sont pas la cible. Ces empoisonnements ont conduit l’Union Européenne à interdire certains pesticides, tout en continuant à autoriser d’autres pesticides controversés. Indirectement, les herbicides réduisent aussi l’abondance et la diversité des plantes dont se nourrissent les pollinisateurs, et donc menacent les ressources florales qui permettent la présence d’insectes pollinisateurs (Potts et al., 2016).

En transformant les habitats des pollinisateurs, le changement climatique peut mettre en danger les associations pollinisateurs-plantes : si les conditions climatiques ne sont plus favorables au développement de l’un, alors l’autre risque de disparaître également (Potts et al., 2016). Par ailleurs, les sécheresses et les inondations ont un impact négatif sur les populations de pollinisateurs, et le changement climatique augmente leur fréquence (Nicholson & Egan, 2020).

La diminution de la diversité des pollinisateurs peut impacter la diversité des plantes pollinisées par des réactions en cascade (Potts et al., 2016). Par exemple, si la guêpe fécondant les figuiers venait à disparaître, alors les figuiers connaîtraient de grandes difficultés pour se reproduire et seraient eux aussi menacés. Pour cette même raison, il est important que l’être humain n’accapare pas tous les services de pollinisation, pour permettre aux plantes sauvages de se reproduire également (Potts et al., 2016). La perte de pollinisateurs peur entraîner la disparition d’espèces de plantes d’une zone, et en cascade la disparition d’autres espèces. Dans certains endroits, comme en Asie du Sud-Est, la diminution de la pollinisation par des animaux sauvages a entraîné la nécessité de polliniser à la main, ce qui est très coûteux (Gill et al., 2016).

Les pollinisateurs et la forêt

Les forêts sont un des habitats naturels des pollinisateurs. Elles peuvent servir de réservoir à partir desquels les insectes peuvent coloniser une zone voisine. Les pollinisateurs apprécient les forêts ouvertes, c’est-à-dire ayant entre 10 et 40% de couverture arborée. Les bords de chemins forestiers sont des endroits appréciés des pollinisateurs. Ces derniers utilisent ces chemins pour se déplacer dans la forêt et coloniser de nouveaux espaces. Les papillons, pour leur part, se développent plus facilement dans des espaces non forestiers (Hanula et al., 2016).

La végétation émergeant après un feu de forêt est riche en plantes à fleurs, qui sont elles-mêmes particulièrement riches en nectar. Elles tendent donc à attirer des pollinisateurs (Brown et al., 2017). La plupart des pollinisateurs bénéficie donc des feux de forêts, car ceux-ci créent à terme des espaces où ils peuvent s’installer. Les papillons constituent toutefois une exception à cette règle (Carbone et al., 2019). Par ailleurs, les feux de forêt ne sont bénéfiques au développement des pollinisateurs que dans la mesure où ils ne sont pas trop fréquents. Des feux trop réguliers ont un effet négatif sur les populations de pollinisateurs (Carbone et al., 2019).

Les pollinisateurs appréciant les espaces ouverts, diminuer la densité de la forêt est aussi un moyen de favoriser leur installation (Hanula et al., 2016). Après un élagage, les fleurs deviennent plus attractives pour les pollinisateurs, et les conditions de températures, d’ensoleillement et d’humidité deviennent plus accueillantes pour eux. Par ailleurs, les fleurs deviennent plus accessibles et plus facilement détectables, et les pollinisateurs parviennent plus facilement à les trouver (Coulin et al., 2019).

Protéger les pollinisateurs

Protéger les pollinisateurs peut prendre concrètement plusieurs formes : on peut chercher à maintenir un certain niveau de diversité d’espèces, maximiser le service écosystémique de pollinisation, ou préserver des espèces de pollinisateurs en danger (Hanula et al., 2016).

Ces objectifs peuvent s’atteindre en adressant les causes de stress sur les populations de pollinisateurs. La pression sur leur habitat peut se réduire en adoptant des techniques d’agriculture et d’aménagement du territoire qui préserve leurs espaces. On peut par exemple adopter l’intensification écologique, qui consiste à aménager un espace de culture de manière à intensifier les processus écologiques qui favorisent la production agricole (Kovács-Hostyánszki et al., 2017). Cela passe par des techniques comme l’agroforesterie, la jachère, la culture sans labour, la rotation des cultures, etc… La diversification des systèmes de cultures, et la conservation d’espaces semi-naturels dans les zones de culture sont également des moyens de parvenir à une réduction du stress sur l’habitat des pollinisateurs (Dicks et al., 2016). Toutefois, le fait d’avoir des ressources florales à proximité peut détourner les pollinisateurs des cultures (Nicholson et al., 2019), et il faut plusieurs années avant de voir les effets d’une restauration de la biodiversité des pollinisateurs sur le service écosystémique de pollinisation (Nicholson et al., 2020).

Réduire l’usage de pesticides est un moyen de préserver les pollinisateurs. L’idéal est évidemment de ne pas en utiliser du tout, mais ne considérer leur usage qu’en dernier recours, lorsqu’aucune autre solution n’est envisageable, contribuerait largement à leur sauvegarde (Dicks et al., 2016).

Enfin, mettre en place des nids à insectes est un moyen d’attirer et de protéger les pollinisateurs sauvages en leur créant des espaces où ils peuvent s’installer. Toutefois, les espèces qui s’installent sont limitées par les ressources florales à disposition et par la concurrence d’espèces antagonistes (Dainese et al., 2018). Il est également possible de créer des habitats favorables aux pollinisateurs en ville, où ces derniers sont moins exposés aux pesticides (Hall et al., 2017).

Rédigé par Andy Battentier


Aller plus loin


Références

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Carbone, L. M., Tavella, J., Pausas, J. G., & Aguilar, R. (2019). A global synthesis of fire effects on pollinators. Global Ecology and Biogeography, 28(10), 1487‑1498. https://doi.org/10.1111/geb.12939

Coulin, C., Aizen, M. A., & Garibaldi, L. A. (2019). Contrasting responses of plants and pollinators to woodland disturbance : Flowers and pollinators response to disturbance. Austral Ecology, 44(6), 1040‑1051. https://doi.org/10.1111/aec.12771

Dainese, M., Riedinger, V., Holzschuh, A., Kleijn, D., Scheper, J., & Steffan-Dewenter, I. (2018). Managing trap-nesting bees as crop pollinators : Spatiotemporal effects of floral resources and antagonists. Journal of Applied Ecology, 55(1), 195‑204. https://doi.org/10.1111/1365-2664.12930

Dicks, L. V., Viana, B., Bommarco, R., Brosi, B., Arizmendi, M. del C., Cunningham, S. A., Galetto, L., Hill, R., Lopes, A. V., Pires, C., Taki, H., & Potts, S. G. (2016). Ten policies for pollinators. Science, 354(6315), 975‑976. https://doi.org/10.1126/science.aai9226

Gill, R. J., Baldock, K. C. R., Brown, M. J. F., Cresswell, J. E., Dicks, L. V., Fountain, M. T., Garratt, M. P. D., Gough, L. A., Heard, M. S., Holland, J. M., Ollerton, J., Stone, G. N., Tang, C. Q., Vanbergen, A. J., Vogler, A. P., Woodward, G., Arce, A. N., Boatman, N. D., Brand-Hardy, R., … Potts, S. G. (2016). Protecting an Ecosystem Service. In Advances in Ecological Research (Vol. 54, p. 135‑206). Elsevier. https://doi.org/10.1016/bs.aecr.2015.10.007

Hall, D. M., Camilo, G. R., Tonietto, R. K., Ollerton, J., Ahrné, K., Arduser, M., Ascher, J. S., Baldock, K. C. R., Fowler, R., Frankie, G., Goulson, D., Gunnarsson, B., Hanley, M. E., Jackson, J. I., Langellotto, G., Lowenstein, D., Minor, E. S., Philpott, S. M., Potts, S. G., … Threlfall, C. G. (2017). The city as a refuge for insect pollinators : Insect Pollinators. Conservation Biology, 31(1), 24‑29. https://doi.org/10.1111/cobi.12840

Hanula, J. L., Ulyshen, M. D., & Horn, S. (2016). Conserving Pollinators in North American Forests : A Review. Natural Areas Journal, 36(4), 427‑439. https://doi.org/10.3375/043.036.0409

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Potts, S. G., Imperatriz-Fonseca, V., Ngo, H. T., Aizen, M. A., Biesmeijer, J. C., Breeze, T. D., Dicks, L. V., Garibaldi, L. A., Hill, R., Settele, J., & Vanbergen, A. J. (2016). Safeguarding pollinators and their values to human well-being. Nature, 540(7632), 220‑229. https://doi.org/10.1038/nature20588