Le rapport humains-animaux

 
 
 
 
 

Les vidéos postées par l’association L214 ainsi que par certains journalistes ont récemment porté sur le devant de la scène médiatique la question du traitement des animaux d’élevage. Souvent choquantes, ces scènes interrogent le rapport que nous entretenons avec les animaux, choyés dans nos foyers et maltraités en dehors. Ce rapport est un élément constitutif du lien qu’entretient l’être humain avec le reste du vivant. Observer ce lien permet de mettre certaines pratiques humaines en perspective vis-à-vis des enjeux environnementaux du siècle à venir.

C’est tout l’objectif de l’interview croisée de Corine Pelluchon et Florence Burgat, respectivement philosophes à l’université Paris-Est et à l’Institut National de la Recherche Agronomique, réalisée pour Mediapart par Antoine Perraud et mise en ligne le 17 avril 2018.

Les deux philosophes commencent par noter que les questions philosophiques liées à la légitimité de l’alimentation carnée remontent à l’antiquité et aux écrits de Plutarque (2:20). Ces questions sont liées à plusieurs problématiques contemporaines. Une problématique écologique, car environ 15% des émissions de gaz à effet de serre sont liées à l’agriculture et en particulier à l’élevage. Une problématique de santé, car les bêtes sont traitées aux antibiotiques dans le cadre de la production industrielle, ce qui permet aux pathogènes de développer des résistances et d’infecter à terme l’humain sous des formes non maîtrisées. Une problématique sociale, car les conditions de travail dans les élevages modernes sont à tout le moins difficiles et peu enviables. Enfin, une problématique de cause animale, que les invitées vont développer.

Le droit sépare les personnes des choses, et les animaux tombent dans la seconde catégorie, bien que la loi leur reconnaisse le fait d’être dotés d’une sensibilité. Cette caractérisation constitue une contradiction aux yeux des philosophes (21:25). Elles reviennent sur l’évolution historique de la manière dont l’humain perçoit l’animal. Elles s’arrêtent sur la conception de « machine animée » soutenue par Descartes et sur la manière dont les animaux sont conçus à distance des êtres humains (8:25). Elles évoquent aussi la métaphore animale dans les récits, comme par exemple dans le Roman de Renart, où le caractère propre des animaux s’efface souvent pour prêter à l’animal un caractère humain (18:35).

L’interview se conclut par une réflexion sur les liens entre maltraitance des animaux et maltraitance des humains (33:17). La violence appliquée aux animaux est peu visible et euphémisée. Toutefois, Corine Pelluchon affirme que l’on ne peut rester indifférent lorsque l’on perçoit l’amplitude de la violence que nos sociétés font subir aux animaux, sauvages comme domestiques. Pour les invitées, cette violence déshumanise et ouvre la voie à une application sur ses semblables. Elles considèrent que l’art a beaucoup à faire pour permettre de dépasser les représentations actuelles des animaux, et ouvrir la voie à un rapport plus respectueux entre l’humain et le reste du vivant.

Corine Pelluchon a également été auditonnée durant l’année 2019 par le Conseil Economique, Social et Environnemental dans le cadre de la discussion sur « Les enjeux relatifs aux conditions d’élevage, de transport et d’abattage en matière de bien-être animal ». Des interviews de quelques minutes ont été réalisées avec plusieurs personnes auditionnées par le CESE.

Corine Pelluchon développe quelques pistes à mettre en place pour mettre en pratique les principes qu’elle développe dans l’interview de Mediapart

Jocelyne Porcher, sociologue à l’INRA, propose de s’éloigner de la notion de « bien-être animal » propre à l’industrie agro-alimentaire pour interroger les conditions de vie des animaux au travail.

Les représentants de l’association Animal Cross évoquent la nécessité de la surveillance des abattoirs et l’intensification des contrôles dans les élevages et dans les transports

Les représentants de CIWF France militent pour l’interdiction des cages

Le directeur de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation évoque la nécessité de penser la législation en se mettant à la place des animaux


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Références